L’importance du consentement en médiation par l’animal
Le développement des programmes de médiation par l’animal
Les programmes de médiation par l’animal fleurissent à grande échelle. Et vous êtes peut-être tenté de mettre également en place un projet au sein de votre établissement où de vous lancer vous-même en tant qu’intervenant en médiation par l’animal. En effet, les bienfaits ne sont plus à démontrer et de nombreuses études scientifiques soulignent l’intérêt sur les plans émotionnels mais également physiques (motricité, douleur, déambulation…).
La notion de consentement
Aujourd’hui, il me semble qu’une des plus importantes réflexions à avoir dans le cadre du développement d’un programme (que ce soit au sein d’une structure ou auprès d’un particulier) c’est la réflexion autour de la notion de consentement.
La notion de consentement me tient à cœur. Si celle-ci est évidente dans la plupart de nos interventions (face à des comportements clairs d’attractivité), cette notion est beaucoup plus ambiguë dans d’autres cas.
L’exemple de Monsieur A
Prenons l’exemple de Monsieur A qui séjourne en EHPAD et qui ne présente presque plus de capacité de mouvement et de communication. Ce résident a été intégré au programme de médiation par l’animal afin de questionner ses capacités de perception sensorielle avec l’espoir d’un bénéfice de la stimulation perçue. Lors de la séance, Monsieur A a montré quelques réactions (mouvement des yeux, souffles, …). La première conclusion fût positive, Monsieur A « perçoit » l’animal. Oui, il y avait bien perception, puisque réaction. Mais quid de la valence de cette perception ? Peut-être que cet homme mettait tout en œuvre pour me dire de toutes ces forces « je n’ai pas envie », ou « j’ai peur » ou encore « je ne comprends pas »… Lors de la séance suivante, j’ai souligné l’importance de valider son consentement. Avec la soignante qui m’accompagnait, nous avons pris la main de monsieur A en lui demandant de serrer la main s’il souhaitait continuer. Avec émotion, nous avons constaté que Monsieur A serrait la main. Nous avons posé à nouveau la même question afin de valider sa réponse, et Monsieur A a resserré sa main. Mais… alors que nous aurions pu interpréter cela comme un signe de consentement, j’ai souhaité poursuivre en vérifiant davantage la congruence des réponses de Monsieur A. J’ai alors posé la question inverse : Monsieur A, serrez la main si vous souhaitez arrêter la séance. Et Monsieur A a serré ma main…
Accompagner dignement
Intervenir auprès de patients non verbaux (personnes âgées malades ou épuisées, personnes handicapées…) est un réel challenge qui nécessite une grande bienveillance, de la patience, de l’observation et de la méthode. Lorsque les gestes sont là, alors on peut toujours essayer de décoder l’expression non verbale. Mais qu’en est-il lorsqu’il n’y a pas / plus (ou très peu) de possibilité de mouvement… ? Où est la place du consentement ? Qui décide de la pertinence de cet « accompagnement » où d’un autre accompagnement d’ailleurs?
Accompagner respectueusement c’est reconnaître aussi bien les bienfaits que les impasses. C’est avouer ne pas percevoir clairement de consentement, pour s’assurer de ne jamais imposer d’interactions invasives / incomprises / inquiétantes ( ?). N’oublions pas que bien souvent, lorsque les capacités de communication sont réduites, ils nous est alors bien difficile de vérifier les potentiels troubles cognitifs associés à la maladie ou au handicap. Expliquer avec la meilleure bienveillance la présence d’un petit chien très gentil, très calme, très doux et le pourquoi de cette visite sera peut-être ni entendu, ni compris, ni retenu… Ce qui pourra entrainer peut-être une succession d’incompréhension et d’inconfort.
Une réflexion éthique et pleine d’humanité qui reste parfois sans réponse mais me questionne si fort au plus profond de moi…
Au même titre d’ailleurs que le consentement des animaux dans les interactions dirigées qu’on leur « propose » (impose ?).
Et le consentement de l’animal ?
C’est avec humilité et bienveillance que j’ai à cœur de respecter tout le vivant dans le corps de mon métier.
Comment accompagner l’humain de manière positive avec des animaux mal connus, anxieux, figés de peur ou en évitement permanent ? Le besoin de consentement de l’animal est d’une évidence incontestable pour une séance fructueuse, respectueuse et sécurisée.
Je choisis minutieusement mes partenaires de travail, je les fais même parfois naître, puis je les sociabilise, puis les éduque pendant de longues périodes. Mais cela ne s’arrête pas là. Je les observe en séance, mais aussi avant et après. Cela me permet d’adapter leur rythme de travail, les ateliers auxquels ils participent avec plaisir ou non, leur activité et environnement sur leur temps de repos… D’ailleurs, saviez-vous que mes animaux consentent à monter dans la caisse de transport avant de venir en séance ? Je procède également dans le questionnement, la douceur et la bienveillance envers mes animaux. J’entre dans le grand enclos extérieur ou les animaux vivent en groupe social, j’ouvre la cage de la boîte de transport et j’attends qu’ils entrent d’eux même dans la caisse. Parfois, personne ne rentre (fatigués, occupés ailleurs, pas envie…), alors je change d’enclos et comprend qu’ils ont besoin de quelques jours de repos.
Une relation de confiance entre le bénéficiaire, le référent et l’intervenant
Pour la structure, comme pour les particuliers, j’accorde de l’importance à la philosophie de travail dans le cadre de ces programmes. Une séance réussie, c’est une séance qui se met en place dans la confiance, et la sérénité. Je dis souvent aux parents des enfants que j’accompagne individuellement que c’est l’enfant qui pourra dire si l’accompagnement lui convient ou non. Et que pour pouvoir bien travailler, j’ai besoin qu’il se sente bien à la fois dans l’environnement que je lui propose, mais aussi avec moi. C’est bien évidemment la même chose pour chaque bénéficiaire en structure. J’accepte totalement le fait que ma personne et mon cadre de travail ne puisse pas correspondre à tout le monde, mais je m’applique, du mieux que je peux, à créer un cocon qui, si il convient, porte bien souvent le bénéficiaire vers une bulle de douceur et de confiance propice au travail.
Remerciement aux structures et particuliers qui me font confiance
Je remercie toutes les structures et tous les particuliers qui me font confiance pour mener à bien des projets de médiation par l’animal, dans le respect et la considération de la personne et de l’animal.
Je les remercie pour l’accueil de mon honnêteté lorsque je n’ai pas, en quelques minutes, de réponse à leur question, quand il faudrait une étude éthologique poussée pour conclure quant aux potentiels bienfaits des stimulations sensorielles proposées à ce patient non verbal, figé par la maladie…
Je les remercie aussi bien sûr pour l’accueil qu’elles font à l’importance que je porte aux conditions de vie et de travail des animaux médiateurs, sans qui je ne pourrais pas faire de miracles (parce que oui parfois, ça y ressemble bien quand même)…