Des "instants de rue" en EHPAD
Repenser l’accompagnement en médiation par l’animal, oser proposer, oser changer…
L’accompagnement de nos aînés dans le plus beau respect est au cœur de notre pratique en tant que porteurs de projets de médiation par l’animal. De nombreux établissements réfléchissent donc à la meilleure façon de mettre en place ces programmes. Parfois sous forme d’ateliers collectifs, parfois sous forme d’accompagnement individuel (via des visites en chambre par exemple).
J’ai pu, en début de carrière ou au travers de discussion avec des collègues, constater parfois l’effet contre-productif d’un programme mal pensé, ou trop vite lancé, ne laissant pas de place à l’adaptation, à l’écoute, qui sont pourtant les maître-mots d’un programme réussi. Nous constatons alors un échec du programme : "Je n’ai pas envie", "ça ne m’intéresse pas", "Je veux retourner dans ma chambre". Ces réactions, bien que parfois complètement liées à l'absence d'attrait envers l'animal (ce qu'il faut évidemment respecter), sont généralement plutôt le résultat d’une inadéquation entre les attentes / les besoins et l’action proposée. D'ailleurs, dans d'autres circonstances, nous remarquons que la rencontre avec l'animal prend alors une autre ampleur.
La médiation par l’animal c’est avant tout l’opportunité de créer des accompagnements sur mesure, pour améliorer le bien-être.
Il faut en effet pouvoir répondre à chaque attente, rester à l’écoute. Certains résidents recherchent les interactions sociales, la vie, les animations. D’autres, plus solitaires, ou plus effrayés par la dureté de la réalité croisée parfois dans les couloirs, préfèrent profiter de ces temps d’échange de manière plus individualisée, en chambre. Je constate aussi un autre « profil », ni à l’aise dans l’un, ni à l’aise dans l’autre… mais pourtant incroyablement réactifs à la présence animale. Ces derniers semblent se trouver bien dans un rythme calme, indépendant (balade solitaire), plus à l’aise avec les rencontres spontanées, au coin du couloir, en recherche d’« animation de rue » : « Je reste là, je regarde les gens passer… ça fait passer le temps ».
S’adapter aux besoins, aux envies, aux possibilités
Aujourd’hui, je suis ravie d’animer des séances collectives dynamiques regroupant des résidents en recherche d’activités, d’autonomie, d’apprentissages nouveaux, de partages. J’ai le plaisir de voir évoluer des groupes de participants souriant, présents, acteurs, qui s’enrichissent des ateliers autour des animaux.
Parallèlement, nous pensons des groupes, plus petits, de personnes moins autonomes, mais pas fermées pour autant à des temps collectifs. Les ateliers proposés sont alors plus respectueux de leurs propres capacités, axés bien souvent sur le ressenti sensoriel et les interactions spontanées, en toute simplicité.
En parallèle, Je suis aussi heureuse de mes visites de courtoisie en chambre qui réveillent la parole, les mémoires, et font resurgir des sourires en intimité…
Enfin, je m’applique à réfléchir à la mise en place d’« instants de rue » pour retrouver une vie de quartier, pour retrouver la vie, tout simplement… Voir les gens s’amasser spontanément, par curiosité, par envie. Et oui, l’envie… Il faut accepter que certains n’ont pas l’envie, pas la force d’aller en animation, et que d’autres sont dérangés par ce temps en chambre (vécus comme intrusifs) qui semblent s’apparenter pour eux à une « prise en soin ». C’est pourquoi j’ai eu l’idée de créer ces « instants de rue ». Créer de la vie dans les couloirs, au coin de la rue, quelques pas à faire spontanément, si on le souhaite, pour aller observer, se renseigner sur ce qui se passe dans « le quartier ». Et puis, après avoir échangé quelques mots, caresser le petit chien, parfois s’être assis un moment, je les vois repartir, le sourire aux lèvres, spontanément, quand bon leur semble, pour retrouver leur espace personnel.
Ecouter nos aînés pour mieux les accompagner...